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CENACLE DE DOUAYEUL
19 mai 2009

René Daumal




L'abandon



Le soleil mou décevait les adieux,
les bateaux partaient comme des mouches,
les oiseaux se plissaient comme des bouches
et tombaient raides morts des cieux.


Quand je fus seul sous le ciel jaune
dont mes yeux secs arrachaient des lambeaux,
je retournai mes poches
dans l'espoir d'y trouver un compagnon d'exil.


Il n'y avait rien,
rien que la poussière des routes,
rien que les routes de misère,
rien que des reines mortes clouées à des poutres.


Des déserts oscillaient sous mes pas ;
ô mon dieu, vous m'avez volé la verticale,
et mes bras tournent fous
dans les cercles blancs de votre œil !


J'étais fou, j'étais fou, vous-dis-je,
des draps blancs m'assaillent,
écume amère sur mes lèvres ;
je guérirai tout blanc, je guérirai stupide ;


mais les bateaux ont perdu leurs couleurs,
ils ne reviendront plus ;
j'émiette mes doigts sur les pelouses fanées,
pour attirer les oiseaux morts.


René Daumal, "Le Contre-Ciel", Poésie/Gallimard.




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